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La joie des humbles

  • Photo du rédacteur: Ratatouille
    Ratatouille
  • il y a 5 jours
  • 7 min de lecture

Bonjour!


Je sais, j'en suis déconfit, j'aimerais vous dire que je ne recommencerai plus à fuguer à l'avenir, mais... A vrai dire, ça risque plutôt d'être l'inverse. J'ai pris la décision de privilégier la qualité à la quantité, et ma foi si je n'ai rien à dire il vaut peut-être mieux que j'apprenne à me taire. De temps en temps du moins. Je suis donc bien désolé mais mon rythme de production d'article risque d'être chaotique. D'autant que quelques projets proches de l'option GKC mobilisent ailleurs mes petits neurones! D'ailleurs, si vous le souhaitez vous pouvez retrouver mes interventions radios sur l'émission AP 21 de Radio Maria ici. On y parle essentiellement d'éducation, en croisant avec la caractérologie et internet.


Ceci étant, une discussion intéressante, associée à une lecture originale et quelques articles glanés par ci par là m'ont remis sur les rails. Je ne vous dévoile pas tout de suite le sujet, mais je vous partage l'article d'accroche, intitulé "il faut renommer le distributisme". Rédigé par Dale Ahlquist, l'auteur qui m'a poussé (à son insu bien sûr) à créer ce blog, c'est d'une certaine façon l'occasion de relire le travail mené jusqu'ici. Vous allez voir que nos héros - La tour du pin, Le Play, et même un peu Tocqueville - sont entre chaque ligne! Je me suis permis de traduire l'article original, si vous voulez du british c'est ici.


N'hésitez pas à me faire part de vos réactions, et des liens que cet article suscite dans votre esprit.


Bonne lecture, et bonne semaine les amis!


"Il faut renommer le Distributisme"

 

« Ceux qui s'éloignent trop des choses fondamentales, du labourage, de la moisson et de l'éducation des enfants, perdent quelque chose que ni le progrès ni la civilisation ne pourront jamais restaurer. » — G. K. Chesterton

 

« En 1910, G. K. Chesterton écrivit un livre intitulé « What’s wrong with the world ». On y trouve l'une de ses phrases les plus célèbres : « L'idéal chrétien n'a pas été mis à l’épreuve et jugé insuffisant. Il a été jugé difficile et mis de côté. »

 

Mais que disait-il à propos de ce qui ne va pas dans le monde ? Quatre choses : l'État, les grandes entreprises, le féminisme et l'éducation publique. Les deux premières, qu'il surnomma Hudge et Gudge[1], étaient de mèche et ont largement influencé les deux autres. Les féministes, tout en s'imaginant accéder à la liberté et à l'indépendance, avaient simplement abandonné leurs positions de pouvoir et d'influence au sein de l'unité la plus fondamentale de la société – la famille – pour devenir des esclaves salariées dans les usines et les bureaux. Comme le disait Chesterton avec humour : « Dix mille femmes ont défilé dans les rues en criant “On ne nous dictera rien !” et sont devenues sténographes. » Gudge était ravi de leur accorder leur « libération » du foyer et de les utiliser comme main-d’œuvre bon marché.

 

Pendant ce temps, la mère quittant le foyer et le père - lui aussi esclave salarié - l’ayant déjà quitté, la seule institution suffisamment puissante pour combler le vide parental était l’État, sous la forme de l’éducation publique. Chesterton affirme avec audace que jamais auparavant, dans toute l’histoire de l’humanité, l’État n’a eu autant de pouvoir sur le citoyen que lorsqu’il a pris le contrôle de l’éducation. Il affirme que l’État avait moins de pouvoir sur un homme lorsqu’il pouvait l’envoyer au bûcher qu’il n’en a aujourd’hui lorsqu’il l’envoie à l’école publique. Au cours du siècle qui a suivi la rédaction de ce livre par Chesterton, l’État a creusé un fossé encore plus profond entre parents et enfants, laissant aux parents peu de poids sur l’enseignement que les écoles publiques donneront à leurs enfants.

 

Hudge et Gudge sont gigantesques et puissants, le féminisme est omniprésent et l'éducation publique est un animal sournois. Les quatre maux du monde ont un point commun : ils minent la famille. Et si la famille s'effondre, la société tout entière s'effondre.

 

Tandis qu'il flirtait avec le socialisme dans sa jeunesse (comme tant d'autres, consternés par l'inégalité des richesses et la grossièreté d'une culture marchande), Chesterton a vite compris que le capitalisme et le socialisme étaient remarquablement similaires. Tous deux impliquent que la majorité des gens travaillent comme salariés et ne possèdent ni terres ni moyens de subsistance. Il y a peu de différence entre un employé assis à un bureau dans un grand immeuble d'entreprise et un fonctionnaire assis à un bureau dans un grand bâtiment gouvernemental. Il y a peu de différence entre une usine appartenant à Hudge et une usine appartenant à Gudge. Chesterton dit : « Posséder un esclave est bon marché. Être esclave est encore moins cher. »

 

Inspirés par les écrits du pape Léon XIII, qui, dans son encyclique Rerum novarum de 1891, attaquait à la fois le capitalisme et le socialisme, Chesterton et son collègue haut en couleur Hilaire Belloc (1870-1953) fondèrent un mouvement qu'ils finirent par ​​baptiser  – malheureusement – « distributisme ». Ce mouvement reposait sur l'idée du pape Léon XIII selon laquelle davantage de travailleurs devraient devenir propriétaires. Il favorisait les petites entreprises et les petits métiers familiaux, ainsi qu'une société davantage axée sur l'agriculture et moins sur l'industrie. Comme le dit Chesterton : « Un pays agricole qui mange sa propre nourriture vaut mieux qu'un pays industriel qui, à son apogée, ne peut avaler que sa propre fumée.»

 

Plus important encore, les distributistes s'opposent à une économie basée sur le salaire. « Le contraire de l'emploi », affirme Chesterton, « n'est pas le chômage. C'est l'indépendance. » L'idée que les gens fassent les choses pour eux-mêmes est le contraire de la dépendance. Même dans le cas d'entreprises plus grandes et plus complexes, nécessitant de nombreux travailleurs, les distributistes ont plaidé en faveur de l'actionnariat salarié, où les travailleurs seraient des parties prenantes et non de simples esclaves salariés jetables.

 

Si le mouvement distributiste a gagné un public bien plus large que la plupart des historiens ne l'ont reconnu, et connaît même un certain renouveau ces derniers temps, il a souffert d'être rejeté. Les conservateurs (et les capitalistes) accusent le distributisme d'être trop socialiste, ennemi du libre-échange. Les liberals (et les socialistes) l'accusent d'être trop capitaliste, ennemi de la réglementation et de l'intérêt public. Mais le plus souvent, il est rejeté sans véritable débat – non seulement par les économistes et les universitaires reconnus, mais aussi par la plupart des autres – simplement à cause de son nom malencontreux : distributisme. Personne ne sait ce que cela signifie, et on pense généralement qu'il signifie autre chose. On l'associe naturellement à la redistribution, qui consiste à prendre l'argent d'une partie aisée de la population pour le redistribuer à une partie moins aisée. Un peu comme Robin des Bois, ou encore à la fiscalité. Pourtant, si les premiers distributistes reconnaissaient qu'une redistribution des terres, des richesses et du pouvoir serait évidemment nécessaire pour parvenir à leurs fins, la redistribution n'a jamais été leur objectif final ni ce qui a rendu leur vision convaincante pour tant de personnes.

 

C'est pour cette raison que la Société Gilbert Keith Chesterton a récemment rebaptisé le distributisme. Je tiens à préciser que nous n'avons aucun contrôle particulier sur le mot « distributisme ». Chacun peut continuer à utiliser l'ancien mot s'il le souhaite. Mais nous avons introduit un nouveau mot, car l'ancien était… bref, il ne valait rien !

 

Le nouveau mot que nous avons inventé est « localisme ».

 

L’avantage du terme « localisme » est qu’il a déjà un sens reconnaissable : le soutien à la production et à la consommation locales ; le contrôle local du gouvernement ; la promotion de l’histoire, de la culture et de l’identité locales ; et la protection des libertés locales. Il s’agit d’une approche directe et décentralisatrice, que ce soit au niveau gouvernemental ou commercial. Il s’oppose au mondialisme.

 

Nombreux sont ceux qui souhaitent prendre leur vie en main, mais ils sont de plus en plus frustrés par le sentiment que tout leur échappe et qu’ils ne savent même pas qui contrôle. Ils sont las des complexités et des complications engendrées par la bureaucratie et la réglementation, où personne n’a de comptes à rendre.

 

Le localisme signifie avoir le contrôle sur ce qui vous concerne le plus directement. On peut aussi parler de « subsidiarité » (mais c’est un autre mot qui doit toujours être expliqué). Il s’agit de demander des comptes à ceux qui ont un pouvoir sur votre foyer, l’éducation de vos enfants, votre marché. Comme le dit Chesterton, il faut pouvoir garder ses politiciens suffisamment près de soi pour leur botter les fesses. Cela signifie garder son argent dans sa communauté, acheter à son voisin et non à une entreprise isolée (ou à une rivière d'Amérique du Sud). Cela signifie posséder sa propre part de communauté. Cela signifie renouer avec la terre et avec ce que l'on mange. Cela ne signifie pas que tout le monde doive être agriculteur, mais cela signifie que chacun devrait être en contact avec un agriculteur. Cela signifie que davantage de personnes s'occupent davantage de choses par elles-mêmes, ce qui les rend moins passives, moins dépendantes, moins démunies, moins désespérées.

 

Et il n'y a rien de plus local que la famille. Il n'y a rien de plus local que le foyer. Par localisme, nous entendons une économie et un système politique fondés sur la famille.

 

Bien que cette idée trouve un écho auprès des gens lorsqu'ils en prennent connaissance, le localisme se heurte actuellement à deux obstacles majeurs. Premièrement, les gens ne sont pas toujours autorisés à faire les choses par eux-mêmes. Deuxièmement, ils n'y sont pas habitués.

 

Mais cela peut changer. Notre société peut être transformée de la base au sommet, grâce à un renouveau populaire. Cela commence par l'apprentissage d'une autre option et par l'apprentissage de petites actions pour changer le monde qui nous entoure, le monde à notre portée : où dépenser notre argent, ce que nous soutenons et comment nous choisissons de gagner notre vie. Comme le dit Chesterton :

 

« L'objectif principal de l’art véritable, du romantisme véritable – et, surtout, de la religion véritable – est d'empêcher les gens de perdre l'humilité et la gratitude qui nous rendent reconnaissants pour la lumière du jour et le pain quotidien ; de les empêcher de considérer la vie de tous les jours comme ennuyeuse ou la vie de famille comme étriquée ; de leur apprendre à ressentir dans la lumière du soleil le chant d'Apollon et dans le pain l'épopée de la charrue. Ce dont nous avons le plus besoin aujourd'hui, c'est d'une imagination intérieure intense, tournée vers ce que nous possédons déjà, qui fasse vivre ces petites choses. »

 

Article de Dale Ahlquist paru dans Plough le 21 novembre 2022 (accès à l’article original ici)


[1] Huge et Gudge sont des personnages de Chesterton représentant respectivement le « big government » et le « big business ». Hudge est un socialiste, idéaliste, progressif et peut-être aussi végétarien ; Gudge est un plutocrate, conservateur, individualiste… et peut-être aussi bailleur tyrannique. (NDLR)

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