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Jean Daujat, découvrir l'Histoire

Bonjour !


Aujourd’hui je vous propose de découvrir un livre. Je sais que nous ne sommes pas dans un coin lecture, mais comme dans cette catégorie je m’efforce de trouver des romans et des œuvres plutôt littéraires, le seul moyen que j’ai trouvé pour vous faire découvrir des ouvrages d’un autre genre qui restent intéressant c’est de les insérer dans le point d’actualité. Et puis de toute façon ce qui peut nourrir notre réflexion au moment présent c’est de l’actualité, non ..? Bref, trêve de pirouettes, et plongeons.


Plongeons, parce qu’il y a du boulot. Et pas qu’un peu. Le livre d’aujourd’hui ressemble à un monument aux multiples facettes, écrit par un mélange de père castor et de Dumbledore… Il s’agit de La face interne de l’histoire, de Jean Daujat, paru en 1996. Puisqu’il s’agit en quelque sorte d’une somme de la pensée de l’auteur, commençons par expliquer qui est Jean Daujat.


Jean Daujat (1906-1998) est un philosophe français « néothomiste », disciple de Jacques Maritain, fondateur du Centre d'études religieuses, spécialisé dans l'enseignement de la doctrine catholique de l’Eglise, ce qui lui a d’ailleurs valu d’être récompensé par le saint siège qui l’a fait membre de l’ordre de saint Grégoire le grand (C'est l'ordre conféré pour services politiques de défense des États pontificaux). Le centre d’études religieuses a un site (cliquez ici) super intéressant. Je n’ai pas bénéficié des formations qu’il propose, mais je suis allé fureter dans la bibliothèque et on n'y trouve que des perles !


Pour les plus doués en calcul, vous remarquerez que le livre de Jean Daujat dont nous allons parler est paru deux ans avant sa mort. Il semble qu’il ait voulu offrir dans cette œuvre de 900 pages un héritage de sa pensée. Son objectif on ne peut plus ambitieux est – tenez-vous bien – de décrire (et d’analyser) l’histoire de la pensée humaine dans la perspective de l’histoire du salut.


Vous vous souvenez qu’avec Charlotte Mason nous avons parlé ici de l’importance de polariser tout l’enseignement par la morale, en particulier l’histoire. Loin d’une « ingérence confessionnelle » qui déformerait la réalité en utilisant les cours pour faire du prosélytisme, il s’agit d’illuminer les événements à l’aide de la Vérité chrétienne, de faire comprendre que le monde n’est pas aux mains d’un hasard aveugle et impartial mais en tension permanente entre ceux qui acceptent la lumière et ceux qui la refusent.


Vous l’imaginez, c’est colossal. Donc je ne vais pas m’amuser à vous résumer tout ça, mais je vais égoïstement vous parler de cinq points qui m’ont interpelé à la lecture de cette œuvre.


1) La clarté de la doctrine chrétienne. L’auteur commence son épopée en décrivant ce qu’est l’homme face à Dieu. C’est un rappel très simple, très pédagogique qui pose le sujet sur la table avec rigueur. Ça c’est le côté père castor, j’ai eu l’impression de redécouvrir la foi. Pourtant j’aime feuilleter le catéchisme de l’Eglise catholique qui est très précis, mais là ça a le goût d’une histoire et donc la pensée se développe comme un arbre qui grandit. D’ailleurs après ce premier rappel des bases, l’auteur montrera les applications et les développements de cette doctrine à travers l’histoire, ce qui donne un aspect concret encore plus efficace. J’ai découvert notamment que la vie normale du chrétien c’est de se nourrir chaque jour par la communion à travers la messe quotidienne. L’auteur explique que la vitalité de l’Eglise dépend de cette communion, et qu’aux époques où les fidèles allaient moins communier c’est là qu’on constatait l’essor d’hérésies par exemple. Il faudra le témoignage de sainte Thérèse de Lisieux et l’action de saint Pie X pour remettre les pendules à l’heure en exhortant les fidèles à communier aussi fréquemment que possible.


2) L’amour de l’Eglise. Au fil du récit, on se prend de pitié pour l’Eglise du Christ qui a vécu tant de combats, qui a été tellement incomprise… L’auteur éclaire d’une nouvelle lumière l’importance considérable de la doctrine de saint Thomas d’Aquin que l’Eglise a fait sienne, comment Descartes, puis Voltaire, Rousseau, Kant, Hegel, Comte, Sartre, sont parti en cacahuète parce qu’ils ont refusé la réalité ou qu’ils lui ont accordé une importance déplacée. Face à tant de véhémence contre la Vérité, on ne peut qu’admirer l’action de l’Esprit Saint dans l’Eglise, et tout particulièrement à travers les papes admirables, véritables héros de la foi depuis la deuxième moitié du XIXème siècle à nos jours.


3) La critique des grands hommes et de leurs œuvres. Daujat parle non seulement des théologiens et des philosophes en résumant clairement leurs idées, mais aussi des auteurs, poètes, peintres, artistes en tout genre, et des scientifiques. Chacun est mis en valeur à la lumière de la foi. Cet immense travail d’analyse critique est du pain béni quand on cherche des références fiables ! Cela permet aussi de voir que la foi est une ouverture à toute la réalité artistique, philosophique et scientifique grâce à ce que saint Thomas d’Aquin nous a permis de comprendre.


4) L’amour de la France. L’auteur étoffe son récit au fur et à mesure qu’on se rapproche du temps présent, et remet plusieurs choses en perspective : il explique en quoi la France est la fille ainée de l’Eglise, marque l’apogée de la France sous saint Louis, désigne la période de François premier à Louis XIV comme l’ancien régime, discerne ce qui a conduit à la Révolution, et analyse les variations politiques qui ont eu lieu par la suite en l’inscrivant dans la dynamique européenne. Un point particulièrement intéressant c’est le lien qu’il fait entre un événement et un autre. Par exemple, le lien entre la guerre de 1870, de 1914 et de 1939 permettra de mettre en valeur des événements qu’on ne pouvait que mal comprendre en se focalisant sur un conflit séparément (merci Paxton). A ce sujet, l’auteur qui a vécu lui-même les événements du siècle offre à plusieurs reprises des témoignages de première main, spécialement en ce qui concerne le rôle de Pétain et de De Gaulle pendant la deuxième guerre mondiale. Tout ça pour dire qu’à travers l’histoire française que l’on redécouvre dans ces pages, on mesure un peu plus les sacrifices que nos aïeux ont dû faire pour préserver la France, et on réalise combien nous avons de la chance d’être nés aujourd’hui, avec un tel héritage qui ne peut que nous pousser en avant.


5) Comme je l’ai évoqué dans les précédents paragraphes, l’analyse de l’auteur permet de comprendre un tas de chose sur le monde actuel. Ainsi, grâce aux dissensions entre l’action française et l’Eglise dans l’entre-deux guerres, l’auteur nous fait comprendre que le changement que nous souhaitons au niveau de la société ne doit pas être d’abord un changement d’institutions (l’action française royaliste voulait un retour aux institutions existantes sous la monarchie féodale, et avait pour devise « la politique d’abord »), mais en premier lieu un changement humain (des institutions chrétiennes dont les membres sont athées ne pourraient pas fonctionner correctement, d’où la devise de l’Eglise « l’apostolat d’abord »). En commençant par les institutions, on se base sur une logique positiviste où la nature humaine vient de la société alors que la foi nous permet de comprendre que la nature humaine de l’homme lui vient de l’hérédité, et c’est lui qui construit la société – pas l’inverse. Question de priorité qui n’est pas anodine parce que d’un côté on fait de l’homme un individu dispensable (la fin justifie les moyens), de l’autre on responsabilise la personne en faisant du cas par cas à travers l’apostolat. Encore une fois, le moteur du changement n’est pas tant la lutte que la charité.


Voilà, il y a bien d’autres choses de valeur dans ce livre comme par exemple le fait qu’il évoque de nombreux ouvrages spirituels et des encycliques fabuleuses, mais ça sera pour une prochaine fois. Je ne comprends pas pourquoi ce livre est si peu connu, donc n’hésitez pas à en parler autour de vous ! Et surtout à le lire…


Bonne semaine !



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