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  • Photo du rédacteurRatatouille

Transmettre l'amour

Bonjour !


Aujourd’hui, en ce jour de la fête d’Arsène et de commémoration du casse du siècle de Spaggiari, je propose d’aborder le sujet de… la famille. Voilà. Parce que c’est chouette comme sujet, et puis que c’est quand même d’actualité. Si, si, vous allez voir.


Tout d’abord, un livre : transmettre l’amour, de Paul Lemoine. Paul est un pédiatre de compétition, 40 ans d’expérience et quand il parle des enfants, ça reste frais. C’est bon signe, ça quand c’est frais. Son idée est simple comme bonjour : L’objectif de l’éducation est de transmettre l’essentiel aux enfants. Et qu’est-ce qui est essentiel ? L’amour, tout simplement. Je vous l’avais dit, c’est simple.


Ce qui l’est moins, c’est la manière de faire. Il y a l’art, et puis il y a la réalité, et justement voilà ce qui est si important dans la famille (et dans la vie communautaire aussi d’ailleurs) : c’est qu’on n’évite pas la réalité, on ne peut pas vivre au gré de ses envies, on va forcément se heurter à l’autre, celui qu’on n’a pas choisi de côtoyer. Dans le bazar qui résulte de ce sac de frustrations, s’il n’y a pas d’ordre, ça va vite être la loi du plus fort. Ceux qui ont le pouvoir vont user de la violence pour contraindre les plus faibles. Comme dans la vie communautaire, sans hiérarchie c’est la foire d’empoigne.


Et justement je trouve l’approche de Paul Lemoine particulièrement intéressante en ce qui concerne le pouvoir. Dans la famille (au moins au départ), ce sont les parents qui détiennent le pouvoir sur l’enfant. La façon dont ceux-ci usent de leur pouvoir va donc être déterminante pour l’équilibre familial. On a vu dans un article précédent (la noblesse et l'efficacité de la morale chrétienne) avec l’exemple de la CGT que pour le monde, le pouvoir est celui de la lutte. On le reconnait chez celui qui a la capacité manifeste de contrôler à sa guise un événement, un système ou des personnes. Cela rejoint l’illusion liberté = absence de limites, et celui qui a le pouvoir est celui qui a le plus de liberté.


Selon le monde.


Au contraire, le Christ nous intime d’aller au-delà de cette violence, et de voir en l’amour un pouvoir plus grand encore. L’amour est ce qui transforme vraiment le monde, il insuffle la vie et l’unité. La force violente est ce qui rigidifie, paralyse, puis brise en dispersant les hommes. On ne peut pas appeler ça du développement, c’est de la destruction.


Vous allez me dire, on est un peu loin de la famille et du rôle des parents, n’est-ce pas ? Et bien le docteur Lemoine nous explique qu’au contraire, nous sommes réellement à l’épicentre du problème. Le pouvoir authentique est celui de faire miséricorde. Et quel meilleur endroit que la famille pour apprendre ça ? On s’empresse d’ajouter « ah oui mais justement, je fais hyper gaffe à ce que les enfants soient gentils ! ». Très bien, mais concrètement ? Il ne faut pas tourner autour du pot, quand on veut être concret il faut commencer par se regarder soi-même. Il faut se demander comment nous usons du pouvoir que nous avons sur nos proches. Parce qu’il ne s’agit pas seulement de l’objectif, mais aussi et surtout des moyens qu’on emploie pour y arriver.


On peut penser que le pouvoir c’est celui de rendre la justice, autrement dit de donner à chacun selon son dû. Mais pouvons-nous vraiment dispenser de notre propre autorité la justice ? Jésus nous pose la question dans saint Jean (8, 1-10), quand face à la femme adultère il nous dit, « ok, son péché est manifeste. Et toi, tu veux l’accuser ? mais au fait, en quel honneur te fais-tu juge ? Quel est ton droit ? » ça calme. Attention, Lemoine ne nous dit pas du tout de mettre de côté la justice, mais au contraire se rappeler que c’est de Dieu que nous tenons cet honneur, ce qui en fait bien plus une responsabilité qu’un privilège. Et ce n’est pas du tout la même chose de juger par nécessité en se sachant indigne, que de s’arroger toute puissance sur ces faibles que sont les enfants. Première sommation à l’amour.


Deuxième sommation, qui paraît évidente mais qui ne l’est pas tant que ça : l’enfant doit apprendre à aimer. Ici j’ai redécouvert grâce à l’auteur que l’enfant n’est pas capable d’aimer comme nous. Autrement dit, rien ne sert de fixer la barre au-delà de ses capacités, il va forcément être égoïste jusqu’à un certain stade. Et je découvre alors que la même question revient : si je fixe la barre si haut, est-ce par principe moral ou afin de préserver mon confort, de ne pas m’essouffler à m’abaisser ?


Bref, grâce à son expérience de 40 ans de pédiatrie (couplée à celle de père de 11 enfants), Paul Lemoine donne dans ce livre des pistes très concrètes pour aider les adultes à comprendre ce qu’on peut demander à l’enfant et ce qu’on ne peut pas lui demander selon son âge en terme d’alimentation, de besoins affectifs et intellectuels, de propreté etc… La morale c’est que la nature est bien faite, et qu’il faut savoir choisir son combat. La plupart du temps les parents s’inquiètent plus ou moins consciemment de ce que leur enfant ne sera pas dans la moyenne s’ils rabaissent leurs exigences. On a sa dignité tout de même. Que vont dire les autres, que vont-ils penser de nous ?


Il leur est rappelé que la seule exigence qui vaille c’est l’amour, qui ordonne tout le reste - pour peu qu’on se donne la peine de comprendre l’enfant. La vraie lutte à mener sera contre les habitudes, les manies et la velléité de puissance de l’éducateur. Cela rejoint ce que dit le cardinal Raniero Cantalamessa dans son excellent livre Aimer autrement: le vrai maître est celui qui est d’abord préoccupé de servir. Enfin ça Jésus nous le dit très bien aussi (Matthieu 23, 11-12). De façon très concrète, il faut mourir à soi-même car nos exigences tiennent bien plus souvent à notre amour-propre qu’à la vraie charité. Le comprendre est troublant, le mettre en pratique est déchirant, mais le jeu en vaut la chandelle.


Ceci étant, je suis légèrement mitigé sur la seconde partie du livre du docteur Lemoine dans laquelle il évoque l’éducation affective et sexuelle ainsi que des notions d’éducation religieuse. Il reste de bonne intention mais s’éloigne un peu de son domaine de compétence. Je pense qu’il a tout à fait le droit d’aborder ces domaines, mais il donne davantage l’impression de s’épancher spontanément que de s’appuyer sur le dogme et la sagesse de l’Eglise. Même s’il ne s’en éloigne pas vraiment, son argumentation repose davantage sur le sentiment que sur la raison, ce qui n’est pas prudent. Par exemple, il semble faire du péché originel quelque chose que les parents risquent de transmettre à leur enfant s’ils ne font pas attention. C’est omettre que les enfants n’ont pas l’immaculée conception, et que leur développement normal est forcément faussé puisqu’ils sont atteints du péché originel. Quelle que soit l’éducation, ils auront besoin de la grâce rédemptrice pour grandir en charité, même si la posture des parents favorise grandement l’accueil de la grâce.


En ce qui concerne l’éducation affective et sexuelle, il préconise en général aux parents de faire comme si de rien n’était quand l’enfant « s’explore » pour ne pas mélanger sexualité et culpabilité. Or j’ai découvert avec l’école belge de psychologie combien il est important que le parent s’autorise à être spontané dans ces questions-là et qu’il ne cache pas sa gêne éventuelle, sans quoi l’enfant saisira mal l’intérêt de la pudeur et de l’intimité.


Malgré tout, le docteur Lemoine a raison quand il questionne les habitudes éducatives des parents au lieu de les laisser reporter leur inconséquence sur leurs enfants. Qui prétendrait n’avoir jamais confondu autorité et confort personnel face à un plus faible ?


Pas de panique, au-delà de tous nos déboires familiaux soyons assurés que la famille, c’est sacré. Tant qu’une famille reste unie le principal est fait, et nous risquons fort d’admirer de plus en plus la manière de faire de nos parents au fur et à mesure que nos propres familles s’agrandissent… D’ailleurs selon Goethe, « on devient adulte quand on a pardonné à ses parents ».


Et justement, ce mail n’étant pas assez long à mon goût, cela fait une bonne transition pour vous présenter un projet créé pour protéger les familles, à travers le soutien aux couples: familya. L’idée c’est de montrer qu’en préservant l’unité du couple, on gagne gros. C’est du langage économique, pour mieux s’adresser aux organes politiques. Derrière tout ça, c’est plus joli : l’initiative est en lien avec les maisons des familles, lieux où les parents déboussolés et les couples en difficulté trouvent de l’aide. Elles naissent un peu partout depuis quelques années, vous en avez peut-être même une près de chez vous !


Bonne semaine, et bonnes vacances pour ceux qui en ont !



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