Bonjour !
Aujourd’hui, je vous propose de découvrir un roman de Graham Greene, paru en 1940 : La puissance et la Gloire.
Mais avant ça, je dois vous dire que j’ai eu de nombreux retours suite au dernier article à propos du livre le cheval rouge d’Eugène Corti. Vu vos retours, j’ai peur de ne pas avoir suffisamment mis en valeur ce livre. Pour vous dire il n’y a pas une seule personne qui, ayant lu ce livre, ne m’a pas dit qu’il s’agissait d’un des plus beaux romans qu’elle ait lus. Donc le dernier qui le lit a perdu. J’en vois qui doutent au fond : lisez donc sur ce livre la notice de Guillaume Bernard, paru dans la Bibliothèque littéraire du jeune Européen aux éditions du Rocher. Si vous ne voulez toujours pas le lire, corne de bouc je ne sais pas quoi vous dire !
Revenons à nos moutons. Et en parlant de moutons, justement La puissance et la Gloire se situe au Mexique. Je ne sais pas pourquoi j’y vois un lien mais passons. L’intrigue se déroule en 1930, juste après l’épisode des cristeros : l’Eglise est persécutée de la façon la plus violente, les prêtres sont forcés à se marier (ce qui est déjà un crime quand on n’est pas prêtre alors bon). C’est l’histoire, très bien écrite au demeurant, d’un prêtre accablé par sa misère et par son péché. Il est de notoriété publique qu’il a couché avec une femme. Vous allez me dire que c’est le genre d’écrit provoquant, en permanence ambivalent et qui utilise la dignité du prêtre comme un simple levier tragique.
Mais justement – et c’est là l’intérêt du livre – à aucun moment le prêtre ne cherche à justifier son péché, qui le suit un peu comme la marque de Caïn. Il ne doute pas de sa déchéance. Sa misère pèse sur ses épaules d’autant plus que dans ce pays l’honneur se confond parfois avec la superbe, et quoi d’aussi laid, d’aussi bestial que l’impureté ? Ce pauvre prêtre erre donc dans un territoire dévasté, où tous le rejettent. Mais il continue d’avancer, et puisqu’il ne se dérobe à rien il se laisse guider par sa vocation, et poursuit son ministère de prêtre là où bien d’autres fuiraient.
C’est d’ailleurs ce que tout le monde lui dit : « fuyez ! A quoi bon ? » et les opportunités de se sauver se multiplient, mais le prêtre est comme traîné par son appel. Il ne bombe pas le torse dans le combat contre la tentation, il s’aplati plutôt comme une crêpe. Cela rejoint d’une autre manière le prêtre du livre sous le soleil de satan dont nous avons parlé ici. Le héros n’est pas un chevalier du monde, c’est le serviteur de Dieu. Dépouillé de tout ce qui pouvait faire naguère son orgueil, dépouillé de toutes les raisons humaines d’être prêtre, d’être chrétien, l’homme n’a plus que la grâce.
On a tendance à penser aujourd’hui (parfois de façon subtile) « aide-toi, le ciel t’aidera ». C’est l’hérésie pélagienne qui dure depuis 1650 ans, et contre laquelle saint Augustin a lutté. Il ne faut pas croire que pour être un saint, et même pour être quelqu’un de bien, nous devons trouver l’équilibre entre nos forces et celles de Dieu. Il ne faut pas croire que nous pouvons réussir jusqu’à un certain point, où Dieu nous attend pour nous mener plus haut. Sans Dieu, nous ne pouvons rien faire. C’est même pas qu’on ne peut pas faire grand-chose, c’est juste rien. Seule la grâce peut être à l’origine du bien qu’il nous arrive de faire. D’où l’importance de l’état de grâce, de la pratique des sacrements (en particulier de la communion quotidienne), de la prière, de la vie en Dieu quoi. Ce n’est pas chouette, c’est vital.
Voilà ce que nous montre ce pauvre prêtre, perdu au fin fond du Mexique. Rien n’explique ce qu’il fait, hormis Dieu. Dépouillé de cette mondanité qui s’insinue au cœur de nos plus belles intentions, il garde le principal. Et il ne s’en vante pas, persuadé qu’il est de ne pas mériter son salut.
Il ne faut pas en conclure que l’exercice des vertus n’est pas nécessaire, puisque saint Paul compare notre vie de foi à un entrainement sportif de haut niveau. Au contraire, notre force de volonté doit être en béton pour pouvoir discerner le bien suprême au milieu de notre vie quotidienne. Mais ce bien suprême, Dieu, n’est pas passif, et nous transforme en augmentant nos capacités et notre désir du bien. Il faut méditer à ce propos le passage de l’évangile où Jésus marche sur l’eau (Matthieu 14, 22-32) : saint Pierre qui sent sa misère appelle le Christ pour qu’Il lui ordonne de venir à Lui. Il aurait pu se jeter de lui-même sur les flots pour rejoindre son Seigneur, mais la conscience de sa misère le protège de cette présomption et lui fait comprendre la nécessité de la grâce pour avancer. Et tant qu’il garde les yeux sur son maître, tout va bien mais quand il s’intéresse à ses propres forces, il sombre.
Je pense qu’il faut se rappeler très souvent ce passage et lire ce genre de livres pour garder l’essentiel à l’Esprit : hors de Dieu point de salut. Même pas un peu. Nada. Voila qui soulage d’un certain poids !
Bonne lecture, et bonne semaine !
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